Beaucoup critiqué par la radicalité du propos dans notre secteur, on ne peut se résoudre à croire qu’ils ont raison, car ça remettrait en question le sens de notre action au quotidien. Et en même temps, on a déjà tous eu ces discussions avec des résidents qui nous disent attendre la mort !
Que savons-nous vraiment ?
Pas grand-chose, ou plutôt quelques indices disparates :
Évidemment, la conclusion « les vieux attendent la mort » est une généralisation abusive, et un fatalisme qui pourrait nous amener à renoncer à la qualité de nos accompagnements, mais c’est aussi évident que la vieillesse change le rapport à la mort.
Nous mourrons tous un jour. (J’espère que je ne vous apprends rien). Et il vaut mieux tard que tôt. Mais comment se sent-on quand ce « tard » est maintenant ?
Oui, parce qu’il y a une grosse différence entre savoir qu’un jour, on va mourir, et sentir que ce jour est pour bientôt, que l’on est arrivé à l’âge où c’est « normal » de mourir. (Je mets des guillemets puisque évidemment la norme est sociale et donc changeante en fonction des époques et des sociétés)
L’émotion que je constate est plutôt la sérénité quant à la mort, bien que mourir peut encore être source d’angoisse.
Je m’explique. Les vieux que j’interroge non pas peur d’être mort, cela apparaît même pour certains comme une délivrance.
En revanche, mourir, c’est-à-dire l’expérience du passage de la vie à la mort, autrement dit « comment je vais mourir » reste une source d’angoisse. Vais-je souffrir ? Serais-je entouré ? Serais-je apaisé ? Resterais-je digne jusqu’à mon dernier souffle ? Sont autant d’interrogations qui nous hantent plus que ce que l’on voudrait…
C’est parce que les vieux n’ont pas peur de la mort, mais craignent de mourir (c’est-à-dire les conditions du décès) que le suicide est souvent envisagé comme une alternative possible.
Elle, c’est Jacqueline Jenckel une militante pour le droit au suicide assisté, qui a mis fin à ces jours à l’âge de 77 ans.
Extrait d’interview – Brut https://www.youtube.com/watch?v=UfSxeNTViQU
Non pas parce qu’elle était malade ou sur le plan médical, en fin de vie. Non pas parce qu’elle était dépressive ou malheureuse. Non pas parce qu’elle avait envie de mourir ou qu’elle ne désirait plus vivre. Mais au contraire, puisqu’elle craignait de mourir, elle craignait de ne plus contrôler les conditions de sa mort.
Elle s’est suicidée par peur de mourir. Préférant la mort à l’absence de contrôle. On peut être d’accord ou non, ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est de comprendre que le suicide du sujet âgé n’est pas un désir de mort, mais une envie de maintenir le contrôle lorsque l’incertitude des conditions de mourir est insoutenable.
Les vieux n’ont pas envie de mourir, mais la mort leur apparaît souvent comme un soulagement face aux souffrances qu’amène parfois la vieillesse (et encore une fois, je ne parle pas seulement de souffrances physiques). Par ailleurs, l’incertitude quant à la fin de vie et aux conditions de mourir, fait du suicide un moyen de garder un contrôle et de mettre fin à cette angoisse, mais ce n’est pas une envie de mourir !